Chapitre VII
À la tombée de la nuit, les cavaliers godommes décidèrent de s’arrêter dans une petite clairière qui se trouvait au bord du chemin.
— Nous avons bien couru, dit l’un d’eux, un solide gaillard noir de poils. Avec un peu de chance, nous arriverons demain soir à Fréquor. J’espère que Merchak nous donnera une petite récompense pour lui livrer son colis aussi vite.
— C’est peu probable. Il ne sait que distribuer des punitions, ricana un autre garde.
Les hommes délièrent les poignets de Sabrina en disant :
— Si tu veux manger, prépare un feu pour la nuit.
Le gaillard ajouta avec un rire :
— Ne tente pas de détaler si tu ne veux pas que je te coupe les oreilles.
— Oh ! Non, Messire. J’aurais bien trop peur seule la nuit en forêt.
Elle alla ramasser un peu de bois mort, prenant bien soin de rester toujours à la vue des soldats. Le bruit d’une rivière coulant à peu de distance la fit réfléchir. Elle disposa son fagot au centre de la clairière et se tourna vers les Godommes.
— Messires, auriez-vous un briquet pour allumer le feu ?
Le plus grand se leva en grognant :
— Si tu n’as pas de quoi allumer le feu, que trimballes-tu dans ce sac ?
— Juste quelques vêtements.
Le Godommes vint s’agenouiller et après avoir fait jaillir des étincelles du silex, il souffla fortement pour aider le feu à prendre. Quand les flammes naquirent, il se releva en ordonnant :
— Surtout ne le laisse pas s’éteindre.
Un garde apporta une besace placée sur la croupe de sa monture. Il en tira un beau quartier de viande.
— Il est heureux que j’aie pensé à faire un tour dans la cuisine des moines, ricana-t-il. Ils avaient une belle réserve de viande fumée.
Il s’assit près du feu et entreprit de tailler de larges tranches de viande. Les quatre Godommes commencèrent à manger tandis que Sabrina, accroupie sur ses talons restait un peu à l’écart. Le gaillard bran qui semblait commander dit à son compagnon :
— Donne-lui aussi à manger. Cela ferait mauvais effet si elle s’écroulait d’inanition en arrivant à Fréquor. Rassure-toi, il nous en restera encore pour demain.
Il porta lui-même un morceau de viande à Sabrina qui le remercia d’un large sourire. Comme une affamée qu’elle était car elle n’avait rien avalé depuis la veille, elle mordit à pleines dents dans sa part. En la voyant manger gloutonnement, un Godomme dit en riant :
— Les moines ont dû la faire jeûner un bon moment.
Lorsqu’ils eurent terminé, les gardes se préparèrent pour la nuit. Le chef du détachement gardait les yeux fixés sur Sabrina. Il se leva en marmonnant :
— Je crois que je vais m’offrir une petite distraction.
— Prends garde, Pak, dit un des Godommes. Merchak a dit qu’il voulait voir rapidement la fille. Je connais ses colères et il est capable de demander au Csar de nous faire découper en morceaux s’il est mécontent de nous.
— Ne t’inquiète pas. Il nous a demandés de faire vite mais il ne nous a pas interdit de nous amuser un peu.
Il approcha de Sabrina qui paraissait chercher quelque chose dans son sac et il lui saisit la main qu’il serra fortement.
— Viens par ici, j’ai deux mots à te dire.
Elle se leva sans cesser de sourire et dit :
— Inutile de me brutaliser, je suis plus que consentante. Faire l’amour avec un beau garçon comme vous doit être très agréable.
Il l’enlaça et la plaqua contre lui pour l’embrasser. Sabrina détourna légèrement la tête et murmura à l’oreille de l’homme :
— Éloignons-nous un peu, s’il vous plaît. Entendre les commentaires salaces de vos amis gâcherait mon plaisir.
Pak acquiesça et entraîna sa proie une trentaine de mètres plus loin. Sabrina s’agenouilla et aussitôt entreprit de délacer les braies du Godomme. Une virilité triomphante ne tarda pas à émerger de l’étoffe. Elle caressa doucement le sexe turgescent et le scrotum en murmurant :
— Voici l’épée de chair qui va me transpercer.
Pak savourait la caresse prodiguée et ironisa :
— Tu ne vas pas tarder à le savoir. Je me sens dans une forme à te faire un beau bâtard et peut-être même deux car je ne compte pas m’arrêter à la première reprise.
À l’instant où il allait la saisir, Sabrina se déroba en riant :
— Viens par ici, la mousse est plus douce.
Elle parcourut encore une trentaine de mètres. Maintenant le bruit de la rivière était nettement perceptible. Pak n’était plus qu’à deux pas d’elle quand il poussa un gémissement.
— Une douleur atroce… Cela me brûle comme un fer rouge.
— Une simple irritation, dit Sabrina. Va te rincer à la rivière, je t’attends avec impatience.
Les jambes écartées et la main crispée sur une virilité qui avait beaucoup perdu de sa superbe, le Godomme courut vers la berge sans cesser de gémir. Un bruit d’éclaboussures témoigna qu’il avait plongé dans l’eau. Aussi n’entendit-il pas Sabrina poursuivre d’une voix douce et ironique :
— Prends garde, je connais bien l’endroit. Le courant est très violent et à moins de cent mètres, il existe une cascade impressionnante où l’eau tombe sur de gros rochers.
Elle attendit un moment et quand elle jugea le temps écoulé suffisant, elle retourna vers les gardes restés assis près du feu mourant.
— Où est Pak ?
— Il est allé se rafraîchir à la rivière, dit-elle d’un ton calme en secouant sa chevelure. Je voudrais profiter de son absence pour vous proposer un marché.
— Lequel ? demanda un Godomme intrigué.
— Je vous offre mille pièces d’or si vous me rendez la liberté. Avec cet argent, vous pourrez disparaître et mener une joyeuse vie.
— Tu ne peux disposer d’une telle somme, répondit l’homme en éclatant de rire.
— Pas en or naturellement mais j’ai dissimulé un diamant. Je sais que son propriétaire l’a acheté deux mille pièces. N’importe quel bijoutier vous le prendra, surtout à moitié prix.
Cette fois les Godommes se firent attentifs.
— Montre-nous ton diamant.
Sabrina hésita un instant.
— Me promettez-vous de me laisser partir lorsque vous l’aurez ?
Les Godommes se regardèrent avant de hocher la tête.
— Tu as notre parole. Montre ! dirent-ils en chœur avec une précipitation un peu suspecte qui ne troubla cependant pas la jeune fille.
Elle plongea la main dans le décolleté de sa misérable robe et retira un petit sachet de tissu qui était attaché à son cou par un fin cordonnet. Elle l’ouvrit et le retourna dans sa main. Une fine poudre grise glissa dans sa paume.
— Regardez bien, le diamant est dissimulé dans cette poussière. C’est une précaution prise pour qu’on ne le trouve pas.
Les trois hommes avancèrent la tête au-dessus des braises du foyer pour mieux voir. Soudain, Sabrina jeta la poudre sur les tisons incandescents. Immédiatement, une flamme jaillit, haute, d’un éclat blanc insoutenable. Les trois soudards se rejetèrent en arrière, hurlant leur douleur, les yeux et le visage brûlés.
L’un se leva en hurlant :
— Tu es une sorcière, je vais t’étrangler, te broyer le cou.
Totalement aveugle, il fit un pas en avant, buta contre le petit foyer et tomba sur les braises. Il se roula sur le sol, éparpillant les flammèches dans toutes les directions.
Le second avait tiré son épée et effectuait dans le vide de grands moulinets. Le seul résultat tangible fut qu’il zébra le dos de son acolyte qui protesta avec indignation.
Sabrina, satisfaite de sa ruse, s’éloigna en silence, regardant ses trois victimes tourner sur elles-mêmes, les bras tendus en avant, croyant toujours pouvoir la saisir. Elle arriva à l’endroit où les dalkas avaient été attachés. Doucement, elle détacha les brides et se hissa sur une monture. Puis d’une tape sèche sur les croupes, elle chassa les autres qui se dispersèrent dans la forêt. Enfin, sans hésiter, elle s’enfonça dans l’obscurité.